En 2021, nous explorions sur La Résilience le concept du Walipini, cette serre semi-enterrée d’origine andine conçue pour exploiter la chaleur solaire tout en se protégeant des extrêmes climatiques. Quatre ans plus tard, les expériences menées en Europe montrent que l’idée reste puissante, mais demande à être réinterprétée : meilleure isolation, géométrie optimisée, gestion intelligente du climat intérieur, et recours à des matériaux contemporains. Entre low-tech résiliente et innovation high-tech, le Walipini entre dans une nouvelle ère.
1. Du modèle andin à l’adaptation bioclimatique européenne
Le Walipini traditionnel mise sur trois principes : l’inertie du sol, la captation solaire, et la simplicité. Sous nos latitudes, la traduction de ces principes nécessite une approche plus fine : gestion du ruissellement, ventilation maîtrisée, et adaptation à la photopériode européenne. Des projets comme ceux du CRAterre (Grenoble) ou de l’Université de Wageningen ont démontré que l’adaptation locale prime sur la copie du modèle andin.
🌿 Astuces techniques
Low-tech :
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- Drainage gravitaire latéral : creuser des tranchées de galets reliées à un puisard pour évacuer les eaux de pluie sans pompe.
- Rideaux thermiques intérieurs : simples bâches opaques déroulables la nuit pour réduire les pertes de chaleur.
- Stockage passif de chaleur : des bidons noirs de 200 L remplis d’eau, placés au nord, agissent comme « batteries thermiques » naturelles.
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High-tech :
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- Capteurs de température connectés LoRaWAN (type RuuviTag ou Aqara) pour suivre les écarts thermiques sol/air.
- Station météo locale couplée à Home Assistant pour piloter automatiquement les ouvertures de ventilation.
- Caméra thermique (FLIR One ou Seek Compact) permettant d’identifier les ponts thermiques dans les parois.
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2. La géométrie libérée : un levier d’efficacité énergétique
Affranchis des contraintes réglementaires, les concepteurs européens redéfinissent la géométrie du Walipini. La forme ovoïde ou en voûte catalane inversée se prête à une meilleure répartition des charges, limite la convection et favorise la circulation de l’air chaud. Lorsque l’on s’affranchit des contraintes réglementaires françaises : par exemple dans un cadre expérimental ou sur terrain privé non constructible hors PLU, la géométrie du Walipini peut évoluer librement.
Si on suppose aucune contrainte règlementaire, voici les modifications géométriques qu’il serait utile de faire pour augmenter la performance :
- Pente du toit sud fortement inclinée, pour l’adaptée selon ta latitude, par exemple pour Paris (~49° N), une pente de ~50-60° sur la façade vitrée sud permettrait de capter fort en hiver quand le soleil est bas. Cela sacrifie un peu l’ensoleillement estival, mais le système de ventilation et ombrage peut compenser.
- Murs nord très verticaux ou avec faible inclinaison pour minimiser les pertes thermiques, maximiser protection contre le froid du Nord, tout en retirant le vitrage inutile au nord.
- Hauteur utile plus grande pour augmenter la hauteur sous faîtage côté sud pour permettre une stratification d’air plus douce, meilleure diffusion lumineuse, possibilité de culture de plantes hautes.
- Formes de toiture diverses, un toits en pente simple ou double, toiture courbe, lucarnes multiples et fenêtres hautes, surfaces vitrées orientées pour maximiser lumière matin et fin de journée.
- Augmenter profondeur enterrée en creusant plus bas pour augmenter la masse de sol, incorporer des réservoirs thermiques sous le sol pour maximiser l’inertie.
- Symétrie et courbure : jouer sur la courbure ou sur des voûtes pour répartir lumière, éviter zones d’ombre aux extrémités. Un profil non plat mais avec un petit arc ou pente multiple peut améliorer la répartition.
Les simulations réalisées par Zhao et al. (2022) démontrent que des parois inclinées à 15° vers l’intérieur optimisent la condensation et la récupération d’eau.
🌿 Astuces techniques
Low-tech :
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- A savoir : Utiliser un cordeau solaire (ou gnomon) pour déterminer l’angle de toiture optimal selon la latitude sans instrument électronique.
- Incorporer une pente douce (1 à 2 %) vers un drain central sous le sol cultivable pour éviter la stagnation d’eau.
- Enduits de terre crue + paille sur les parois intérieures : inertie thermique, régulation hygrométrique et zéro plastique.
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High-tech :
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- Simulation 3D solaire via SketchUp + Eneroth Sun Path pour ajuster l’angle de toiture à la saison.
- Capteur de flux lumineux (luxmètre numérique) relié à un microcontrôleur (ESP32) pour comparer les rendements lumineux des surfaces vitrées.
- Laser de nivellement automatique pour un terrassement précis avant la mise en œuvre des fondations.
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3. Matériaux, innovations thermiques et systèmes hybrides
3.1 Matériaux et innovations thermiques
Les nouvelles générations de Walipinis combinent matériaux biosourcés et systèmes passifs de régulation. L’emploi du béton de chanvre, du BTC (bloc de terre comprimée) et du polycarbonate alvéolaire double couche améliore considérablement l’isolation et la longévité.
Le projet Underground Greenhouse Europe (WUR, 2023) a validé l’intérêt d’un stockage intersaisonnier de chaleur (STES) : l’air chaud capté l’été est stocké dans des tuyaux enterrés pour restituer sa chaleur en hiver.
🌿 Astuces techniques
Low-tech :
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- Masse thermique à eau : aligner des fûts de 60 à 200 L de couleur noire sur le mur nord pour accumuler la chaleur diurne.
- Toiture “sandwich” : film plastique + paille + seconde couche plastique tendue : meilleure résistance aux UV et isolation renforcée.
- Murs capteurs peints à la chaux noire : alternative naturelle aux surfaces métalliques absorbantes.
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High-tech :
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- Régulation thermique pilotée par Arduino : sondes DHT22 + relais pour activer automatiquement ventilation ou trappe selon seuils programmés.
- Échangeur air/sol (Earth Tube) assisté par ventilateur 12 V solaire.
- Monitoring énergétique via Grafana ou Node-RED pour visualiser l’évolution de la température et de l’humidité.
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3.2 Intégration de systèmes hybrides (géothermie, puits provençaux, échangeurs)
L’un des atouts majeurs du walipini, en tant que structure semi-enterrée, est sa capacité à dialoguer naturellement avec le sol comme régulateur thermique. En intégrant des systèmes hybrides, à la fois low-tech (puits canadien, échangeurs sol-air) et high-tech (géothermie assistée, monitoring intelligent), il devient possible de stabiliser finement le climat intérieur, tout en limitant la consommation énergétique.
🔹 Puits canadiens / provençaux : inertie naturelle et ventilation tempérée
Plusieurs expérimentations universitaires (Université Laval, Université de Liège) ont montré qu’un puits canadien pouvait réduire jusqu’à 40 % les besoins en chauffage et ventilation des structures agricoles semi-enterrées. Le principe repose sur l’utilisation de tuyaux enterrés à 1,5 à 2,5 m de profondeur, où la température du sol reste stable (10 à 14 °C). L’air extérieur, aspiré par ces conduits, se réchauffe naturellement en hiver et se refroidit en été avant d’entrer dans la serre.
Astuce low-tech :
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- Conduits en PVC ou PEHD Ø160–200 mm, inclinés pour évacuer la condensation.
- Prise d’air protégée par filtre et moustiquaire.
- Ventilation passive ou assistée par ventilateur solaire 12 V.
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🔹 Échangeurs sol-air et géothermie de surface
Des travaux récents (Energies, MDPI 2023 ; Renewable Energy, Elsevier 2022) montrent que les EAHE (Earth-to-Air Heat Exchangers) maintiennent la température intérieure d’une serre entre +5 à +8 °C en hiver et –3 à –5 °C en été, sans apport externe. Des serpentins d’air ou d’eau enterrés autour du walipini amortissent les pics thermiques. La modélisation TRNSYS (Université de Montréal, 2021) confirme l’efficacité des couplages inertie du sol + flux d’air régulé.
Astuce high-tech :
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- Capteurs température/humidité connectés (ESP32, LoRa, MQTT) pour piloter automatiquement la ventilation.
- Mini boucle fermée (loop field) alimentée par pompe à chaleur basse puissance dans les climats extrêmes.
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🔹 Stockage thermique : le retour du « lit de galets »
Le concept de pebble bed (Université du Colorado, SSRN) consiste à stocker la chaleur diurne dans un volume de galets enterrés ventilé. Ce stockage passif restitue la chaleur la nuit.
Un lit de galets (pebble bed) est une masse de particules solides (galets, pierres, graviers) empilées dans un volume, avec des vides (porosité) entre les particules. Un fluide (habituellement de l’air) circule à travers ces vides, échangeant la chaleur entre l’air et les galets (chauffage ou refroidissement selon le moment).
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- Le lit fonctionne comme un stockage thermique sensible : la chaleur est emmagasinée par élévation de température des galets eux-mêmes (et non par changement de phase)
- Le système est souvent appelé « packed bed heat storage » ou « plenum or packed pebble bed » dans la littérature.
- On l’utilise déjà dans des applications industrielles ou solaires pour lisser la production, améliorer l’efficience et réduire les pointes de chauffage.
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Astuce terrain :
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- Lit de galets d’1 m sous la serre, ventilé par tuyaux perforés.
- L’air chauffé circule le jour, la chaleur est restituée la nuit.
- Ventilateur solaire pour optimiser la convection.
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🔹 Hybridation solaire passive : murs Trombe et capteurs thermiques
Dans les régions froides, compléter par :
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- Mur Trombe (mur sombre derrière vitrage orienté sud) ;
- Capteurs solaires thermiques plans reliés à un plancher radiant ou un réservoir de stockage.
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Les simulations TRNSYS (Montréal, 2022) ont montré un gain de 2 à 3 mois de culture sans chauffage actif.
Astuce hybride :
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- Mur nord noir mat derrière paroi vitrée inclinée à 60°.
- Capteur thermique DIY (tubes cuivre ou PEX + ballon isolé) pour chaleur nocturne des semis.
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4. Vers la résilience alimentaire durable
L’objectif du Walipini reste inchangé : produire en continu, sans énergie fossile. Mais les technologies récentes permettent désormais d’aller plus loin : contrôle climatique, irrigation automatisée, et gestion intelligente des apports lumineux. Les expérimentations citoyennes menées en Bretagne et en Ardèche montrent qu’un Walipini bien conçu peut maintenir 10 °C d’écart avec l’extérieur, même en hiver, tout en restant énergétiquement autonome.
🌿 Astuces techniques
Low-tech :
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- Compost chaud intégré : une fosse latérale remplie de compost actif qui dégage naturellement de la chaleur (4–6 °C gagnés).
- Irrigation par ollas : jarres poreuses enterrées pour une distribution lente et sans gaspillage d’eau.
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High-tech :
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- Arrosage automatisé avec capteurs d’humidité du sol et électrovannes pilotées par microcontrôleur.
- Éclairage LED horticole basse consommation, contrôlé par minuterie solaire (photocapteur).
- Mini-pompe solaire pour circulation d’eau entre les réservoirs thermiques et la zone de culture.
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5. Analogie de conception : Walipini et Earthship
Le concept d’Earthship, développé par l’architecte Michael Reynolds dans les années 1970, repose sur l’autonomie, l’inertie thermique et l’utilisation de matériaux recyclés. Le Walipini, dans sa version contemporaine 2.0, s’inscrit dans cette même logique d’écoconstruction et d’autosuffisance, mais appliquée à la production vivrière.
Les deux approches partagent une philosophie commune : tirer parti des ressources locales, réguler naturellement les flux thermiques et hydriques, et tendre vers une autonomie énergétique complète.
6. Conclusion : du Walipini au laboratoire de résilience
Le Walipini nouvelle génération n’est plus une simple serre : c’est un micro-écosystème autonome, capable d’intégrer aussi bien les technologies modernes que les savoir-faire ancestraux. Libéré des contraintes normatives, il devient un terrain d’expérimentation où se rejoignent architecture, écologie et ingénierie. Le futur des Walipinis européens se dessine dans la complémentarité entre high-tech et low-tech, entre savoir-faire artisanal et pilotage intelligent, entre inertie du sol et intelligence distribuée.
Cultiver en Walipini, c’est aujourd’hui reprendre la main sur a résilience alimentaire, mais aussi sur la manière dont nous concevons nos espaces productifs.
Annexe technique : Fiche-mémo Walipini 2.0
Modules pratiques (low-tech / high-tech) — aide-mémoire terrain pour construire et piloter un Walipini résilient.
🔁 1. Ventilation & régulation thermique
Objectif : renouveler l’air sans pertes thermiques excessives.
🌿 Low-tech
- Cheminée solaire : conduit PVC noir mat orienté sud (tirage naturel).
- Registre manuel : trappe guillotine mur nord pour moduler le flux.
- Earth tube artisanal : PEHD Ø150–200 mm, enterré ~1,5 m sur 15–20 m.
⚙️ High-tech
- Ventilation auto : ventilateurs 12V pilotés par DHT22 + ESP32/Arduino.
- Contrôle : Home Assistant / Node-RED (scénarios T° / HR / CO₂).
- Monitoring : Grafana + InfluxDB (visualisation temps réel).
💧 2. Gestion de l’eau & humidité
Objectif : collecter, stocker et redistribuer l’eau efficacement.
🌿 Low-tech
- Récupération pluie → baril semi-enterré (filtration gravitaire).
- Irrigation par ollas (jarres poreuses enterrées).
- Paillage organique épais pour stabiliser HR et sol.
⚙️ High-tech
- Capteurs capacitif d’humidité → arrosage piloté.
- Électrovannes solaires (20 W + batterie 12 V).
- Station météo locale pour modeler l’irrigation.
☀️ 3. Lumière & ensoleillement
Objectif : maximiser la lumière utile et limiter la surchauffe estivale.
🌿 Low-tech
- Filet d’ombrage coulissant sur rails bois.
- Orientation par cordeau au jour d’équinoxe.
- Blanchiment au lait de chaux pour l’été.
⚙️ High-tech
- Capteur BH1750 / TSL2561 + motorisation ombrage.
- LED horticoles adaptatives (timers solaires).
- Simulation 3D (SketchUp + Heliodon / Ladybug).
🔋 4. Stockage & gestion de la chaleur
Objectif : lisser variations jour/nuit et stocker l’énergie.
🌿 Low-tech
- Bidons noirs 200 L alignés sur mur nord (masse thermique).
- Compost chaud (fosse latérale) → +3–6 °C.
- Mur Trombe en pierre sombre.
⚙️ High-tech
- STES (gaines PEHD enterrées) pour stockage intersaisonnier.
- Capteurs thermiques LoRa/Zigbee pour suivi.
- Régulation auto (ventilation selon seuils jour/nuit).
Profondeur recommandée : 0,8–1,2 m; porosité ~30–40 %; galets granit/basalte; ventilation douce (1–3 vol/h).
🌡️ 5. Isolation & matériaux
Objectif : garder un microclimat stable et sec.
🌿 Low-tech
- Murs terre-paille (inertie + hygrométrie).
- Double film plastique avec lame d’air 5 cm.
- Panneaux roseaux / liège au nord.
⚙️ High-tech
- Polycarbonate alvéolaire double paroi (isolation performante).
- Capteurs de condensation sur zones sensibles.
- Surveillance structurelle (capteurs d’humidité / effort).
🌱 6. Gestion biologique & cultures
Objectif : adapter le microclimat aux cycles vivants.
🌿 Low-tech
- Associations (basilic/tomate; carotte/oignon).
- Purin ortie / consoude comme bio-stimulant.
- Rotation culturale pour préserver la fertilité.
⚙️ High-tech
- Capteur CO₂ pour piloter ventilation et productivité.
- Micro-ventilation programmable (stimulation gaz échange).
- Time-lapse (Raspberry Pi + motionEyeOS) pour diagnostics.
⚡ 7. Énergie & autonomie
Objectif : autonomie énergétique simple et fiable.
🌿 Low-tech
- Four solaire de séchage intégré (paroi sud).
- Lampes huile végétale pour usage ponctuel.
- Pierres chauffées isolées comme micro-batterie thermique.
⚙️ High-tech
- Panneaux PV 100–200 W + batterie 12 V 40 Ah.
- ESP32 comme hub domotique local.
- Réseau LoRa pour télémétrie hors Internet.
🧩 8. Module « Résilience intégrale »
Combinaison recommandée pour autonomie systémique :
- Earth tube passif + régulation Arduino + monitoring Grafana.
- Masse thermique à eau + compost chaud.
- Ollas + électrovannes solaires commandées par capteurs d’humidité.
- Station météo locale (BME280 + anémomètre) intégrée à Home Assistant.

Je m’appelle Sébastien. Sans jugement ou catégorisation, je ne m’identifie pas plus particulièrement aux « Survivalistes », « Preppers », « Décroissant », (…) qui ont cependant le mérite de mettre en lumière des sujets et connaissances malgré tout. Je me reconnais plutôt comme un « Résilient ». En tant que père de famille, je développe une approche modéré, structurée et éducative avec une forte envie d’apprendre et transmettre. En savoir plus.