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Survivalisme au féminin – Psychologie et résilience collective

Cela fait au moins trois ans que l’idée de cet article me trotte en tête. À l’époque, j’avais même commencé un mail pour inviter La Vilaine Mémère à participer à une interview dans notre série Zoom Personnalité (tous les épisodes ici). Aujourd’hui, l’envie de partager ce sujet avec vous se fait plus forte que jamais.

Une autre facette du survivalisme

Quand on évoque le mot survivalisme, les images qui surgissent spontanément sont souvent celles d’hommes barbus, équipés de couteaux imposants, de fusils et de rations militaires empilées dans un bunker. Ce cliché, largement entretenu par les médias, les séries télévisées et même certains milieux survivalistes eux-mêmes, ne reflète pourtant qu’une partie de la réalité. Derrière cette représentation masculine, un mouvement parallèle, discret mais solide, se développe : celui des femmes survivalistes.

Elles sont mères de famille, étudiantes, travailleuses, militantes écologistes, aventurières ou tout simplement citoyennes inquiètes de l’avenir. Elles ne se définissent pas toutes comme preppers, mais partagent une conviction commune : la nécessité de se préparer à l’incertitude. Leur démarche n’est pas marginale, elle s’ancre dans une logique de résilience, avec une approche souvent différente de celle des hommes.

Cet article propose d’explorer cette dimension féminine du survivalisme. En mettant l’accent sur les compétences développées par les femmes, mais aussi sur leur prisme psychologique et relationnel spécifique, nous verrons comment elles enrichissent, transforment et parfois réinventent l’idée même de survie.

1. Le poids des stéréotypes, une barrière à dépasser

Depuis ses débuts médiatiques dans les années 1980-1990, le survivalisme est associé à une image hyper-masculine : le guerrier solitaire prêt à défendre son territoire à coups de carabine, méfiant vis-à-vis du monde extérieur. Les forums, manuels et vidéos survivalistes ont longtemps renforcé cette figure virile, nourrie par une culture américaine de l’autodéfense et de la méfiance envers l’État.

Dans ce contexte, les femmes ont été souvent reléguées au second plan : gardiennes du foyer, intendantes de la cuisine, ou simplement absentes du récit. Les rares représentations féminines véhiculées dans les médias oscillent entre deux extrêmes : la caricature de la compagne sceptique qui subit les lubies survivalistes de son conjoint, ou au contraire l’icône idéalisée de la « maman courage » qui, seule, sauve ses enfants de la catastrophe.

Pourtant, la réalité est bien plus riche. Les enquêtes journalistiques récentes (comme celle d’Urbania au Québec ou du L’écornifleur en France) montrent des femmes pleinement actrices de leur démarche. Certaines assument leur rôle de leaders dans les groupes de préparation, d’autres développent des projets collectifs centrés sur l’autonomie. Leur profil tranche avec les stéréotypes : il ne s’agit pas seulement de « suivre » ou de « seconder », mais de construire une résilience active et autonome.

Le constat des chercheurs (notamment dans la revue Itinéraires et dans les travaux de l’Université catholique de Louvain) est clair : le survivalisme féminin existe, il est structuré, et il redéfinit les contours mêmes de la pratique.

2. Les compétences féminines : un arsenal complet

Un des premiers constats frappants quand on observe la pratique féminine du survivalisme, c’est la richesse et la diversité des compétences mobilisées. Contrairement à une vision caricaturale où les femmes se cantonneraient à des tâches « domestiques », elles investissent l’ensemble des champs de la survie, du technique au médical, du logistique au relationnel.

Survivalisme au féminin

2.1. Savoir-faire logistiques et organisationnels

Beaucoup de survivalistes féminines se distinguent par leur rigueur dans la gestion des ressources. Stockage alimentaire, rotation des denrées, constitution de trousses médicales, planification des besoins énergétiques ou hydriques… Ces tâches, parfois perçues comme « secondaires » par rapport à l’entraînement martial, constituent en réalité la base d’une survie durable. Certaines femmes développent de véritables méthodes quasi scientifiques pour gérer les stocks, tenant des carnets, des tableaux, voire utilisant des applications dédiées.

2.2. Compétences techniques et physiques

Contrairement aux idées reçues, les femmes survivalistes ne se tiennent pas à l’écart des domaines techniques. Beaucoup apprennent le tir, l’auto-défense, la mécanique légère, le bricolage ou la gestion de l’énergie hors réseau. Le maraîchage, la permaculture, l’entretien d’outils et la réparation de matériels simples font aussi partie des savoir-faire valorisés. Dans les enquêtes de terrain, plusieurs témoignages montrent des femmes qui, par pragmatisme, se forment à des disciplines jugées « masculines » : changer une courroie de voiture, monter un panneau solaire, démonter un fusil.

2.3. Premiers secours et santé

C’est un domaine où les survivalistes féminines sont particulièrement présentes et compétentes. Formations de secourisme, connaissance des plantes médicinales, gestion de l’hygiène en situation dégradée, accompagnement des enfants ou des personnes âgées : autant de savoir-faire qui deviennent vitaux quand les infrastructures médicales sont défaillantes. Certaines femmes, issues du milieu infirmier ou paramédical, apportent à leur communauté une expertise indispensable, souvent plus recherchée que des compétences de tir ou de combat.

2.4. Autonomie alimentaire et transmission

Les femmes survivalistes investissent également l’autonomie alimentaire avec une approche pratique et durable : potagers, élevage de basse-cour, conservation des aliments (stérilisation, fermentation, séchage). Ces savoirs, longtemps invisibilisés car jugés « ordinaires », constituent en réalité un socle de résilience essentiel.
Elles y ajoutent souvent une dimension pédagogique : apprendre aux enfants à jardiner, cuisiner, reconnaître des plantes, fait partie de leur démarche.

Survivalisme au féminin

En résumé, les compétences féminines couvrent tout le spectre du survivalisme. Elles ne sont pas « complémentaires » à celles des hommes, elles en sont le cœur. Dans certains cas, elles s’avèrent même plus constantes et structurées, car portées par une vision à long terme.

3. Un prisme psychologique différent

L’autre grande particularité des survivalistes féminines, c’est leur rapport psychologique au risque et à la préparation. Là où certains hommes mettent en avant la défense et la confrontation, les femmes tendent à privilégier l’anticipation, la gestion émotionnelle et la cohésion.

3.1. Anticipation et vigilance

Nombre de femmes expliquent que leur motivation première est la protection de leurs proches. Cette responsabilité nourrit une vigilance accrue : prévoir des scénarios, imaginer les besoins des enfants, anticiper les manques. Cette approche n’est pas seulement « maternelle », elle reflète une véritable capacité d’analyse des risques.

3.2. Gestion émotionnelle et résilience psychologique

Dans une situation de crise, garder la tête froide, maintenir le moral et éviter la panique sont des compétences vitales. Les recherches montrent que les femmes survivalistes accordent une grande importance à la gestion émotionnelle : la leur, mais aussi celle de leur entourage. Elles développent des stratégies de résilience collective : maintenir des routines, instaurer des espaces de parole, favoriser le lien social.

3.3. Adaptabilité et créativité

Là où certains modèles masculins de survie privilégient la force brute ou la technique, les femmes mettent souvent en avant l’adaptabilité : faire avec les moyens du bord, improviser, transformer les contraintes en ressources. Cette créativité est un atout précieux dans un environnement incertain.

3.4. Rapport à l’entraide

Le survivalisme féminin se distingue enfin par une orientation plus communautaire. Là où le survivalisme masculin peut parfois valoriser la figure du « lone wolf », les femmes tendent à construire des réseaux d’entraide, à partager leurs connaissances et à envisager la survie comme un projet collectif. Les travaux académiques (Itinéraires, UCLouvain) soulignent cette dimension relationnelle, qui confère au survivalisme féminin une spécificité précieuse : la résilience ne se construit pas en solitaire, mais dans la coopération.

4. Témoignages et figures inspirantes

Survivalisme au féminin

Les articles et recherches disponibles montrent une grande diversité de profils féminins dans le survivalisme francophone :

  • La mère de famille qui, inquiète des crises énergétiques, apprend à stocker et conserver les aliments pour ses enfants.
  • L’ingénieure qui installe des panneaux solaires et des systèmes de récupération d’eau pour rendre son foyer autonome.
  • L’infirmière qui forme son groupe aux gestes de premiers secours et à la gestion des épidémies.

Ces exemples montrent que le survivalisme féminin ne se limite pas à un profil unique. Il est pluriel, mais partage un même objectif : ne pas subir, mais agir.

5. Conclusion : un survivalisme inclusif et complet

Le survivalisme féminin déconstruit les clichés. Il montre que la résilience n’est pas qu’une affaire d’armes et de bunkers, mais aussi et surtout : de compétences pratiques, de gestion psychologique et de solidarité.

En conjuguant savoir-faire techniques (mécanique, maraîchage, santé, logistique) et intelligence émotionnelle (anticipation, résilience psychologique, coopération), les femmes apportent une richesse qui élargit et renforce le survivalisme dans son ensemble, mais surtout la structure clanique et familiale. Dans un monde où les crises se multiplient : climatiques, énergétiques, économiques, leur rôle n’est pas secondaire mais essentiel.

Pour construire une résilience réelle et durable, il est temps de reconnaître cette contribution et d’encourager un survivalisme inclusif, où les compétences et les approches féminines ne sont pas seulement valorisées, mais intégrées comme fondamentales.

La Vilaine Mémère sur Youtube

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