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L’habituel défaut de l’homme est de ne pas prévoir l’orage par beau temps

« L’habituel défaut de l’homme est de ne pas prévoir l’orage par beau temps. » Cette citation de Nicolas Machiavel, vieille de plusieurs siècles, résonne aujourd’hui avec une acuité particulière. Alors que notre société moderne nous offre un confort sans précédent, elle n’est pas à l’abri des aléas. Les événements récents en sont la preuve : incendies records dévastant des milliers d’hectares dans le Sud de la France en août 2025, inondations soudaines sur la Riviera causant des pertes humaines et des coupures d’électricité. Ces catastrophes nous rappellent que la nature peut être imprévisible et que la préparation est essentielle.

La sagesse de Machiavel appliquée au survivalisme moderne

Le survivalisme moderne ne se limite plus à l’accumulation de provisions. Il s’agit avant tout d’une organisation méthodique, d’une capacité à réagir vite et bien face à l’imprévu. C’est dans cette optique que les concepts de SOP (Standard Operating Procedure), POP (Procédure Opérationnelle Permanente) et PON (Procédure Opérationnelle Normalisée) prennent tout leur sens. Ces outils, issus des domaines militaire, industriel et de la sécurité, sont des alliés précieux pour transformer l’imprévu en prévu.

ou encore : « Ne pas prévoir, c’est déjà gémir. » Attribuée à Léonard de Vinci, cette citation s’inscrit pleinement dans l’esprit d’innovation et d’anticipation qui caractérisaient la démarche du maître de la Renaissance, tant dans l’art que dans la science.

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SOP, POP, PON : De quoi parle-t-on ?

Pour naviguer efficacement dans l’incertitude, il est crucial de s’appuyer sur des méthodes éprouvées. C’est là qu’interviennent les SOP, POP et PON :

  • SOP (Standard Operating Procedure) : Ce terme anglo-saxon est largement utilisé dans des domaines exigeants comme l’armée, l’industrie ou la sécurité civile. Une SOP est un document écrit qui décrit, étape par étape, comment exécuter une tâche de manière standardisée. L’objectif est de garantir la cohérence et l’efficacité, quelle que soit la personne qui exécute la tâche.
  • POP (Procédure Opérationnelle Permanente) : C’est l’équivalent français de la SOP, fréquemment employé dans la sécurité, la gestion des risques et la maintenance. Elle désigne un ensemble d’instructions détaillées pour la réalisation d’opérations récurrentes ou critiques.
  • PON (Procédure Opérationnelle Normalisée) : Ce terme francophone normalisé est particulièrement répandu dans les laboratoires, le secteur de la santé et l’environnement. Il insiste sur l’aspect normatif et la conformité à des standards précis.

Leur objectif commun est clair : éviter l’improvisation. En fournissant un cadre clair et des instructions précises, ces procédures garantissent une action rapide, sûre et cohérente, même sous l’effet du stress ou de la panique. Elles sont le remède à l' »habituel défaut de l’homme » identifié par Machiavel.

Pourquoi ces procédures sont vitales en situation de crise

Imaginez-vous face à un incendie qui se propage rapidement ou à une inondation soudaine. Dans ces moments de crise, plusieurs facteurs peuvent entraver une réaction efficace :

  • Le stress altère la prise de décision : Sous l’effet de l’adrénaline, la pensée rationnelle peut être submergée par la panique, rendant difficile l’organisation des actions.
  • Les minutes comptent : Chaque seconde perdue peut avoir des conséquences dramatiques sur la sécurité des personnes et la protection des biens.
  • Une mauvaise séquence ou un oubli peut coûter cher : Dans l’urgence, il est facile d’oublier une étape cruciale ou de réaliser les actions dans le désordre, compromettant ainsi l’efficacité de l’intervention.

C’est précisément là que les SOP, POP et PON révèlent leur importance vitale. Elles transforment une situation chaotique en une série d’actions claires et préétablies, permettant de court-circuiter le stress et de garantir une réponse optimale.

Exemple concret : Évacuation face à un feu de forêt

  • Sans SOP : La panique s’installe. On oublie les papiers importants, l’eau, on retarde la fermeture des volets, on ne sait pas où se regrouper. Le temps précieux est perdu dans l’hésitation et le désordre.
  • Avec SOP : Chaque membre de la famille connaît son rôle. La liste des objets à emporter est pré-établie, l’ordre des actions est clair (fermer les portes et fenêtres, couper le gaz et l’électricité), et le point de regroupement est connu de tous. La procédure est exécutée de manière fluide et rapide, augmentant considérablement les chances de sécurité.

Ces procédures ne sont pas une contrainte, mais une libération. Elles permettent de réagir avec sang-froid et efficacité, même lorsque l’environnement est hostile et que la pression est maximale. Elles sont la concrétisation de la prévoyance machiavélienne.

Construire ses propres SOP / POP / PON survivalistes

La force des SOP, POP et PON réside dans leur personnalisation. Elles doivent être adaptées à votre situation spécifique, à votre environnement et à vos besoins. Voici les étapes clés pour construire vos propres procédures :

Analyse des risques

Avant de rédiger une procédure, il est impératif d’identifier les risques auxquels vous êtes exposé. Cette analyse doit être la plus exhaustive possible et prendre en compte votre localisation géographique, votre type d’habitation, et vos dépendances. Posez-vous les questions suivantes :

  • Incendies : Vivez-vous dans une zone boisée ? Quels sont les facteurs aggravants (météo sèche, vents forts > 50 km/h) ? Quelles sont les voies d’évacuation possibles ?
  • Inondations : Votre habitation est-elle située en zone inondable (zone basse, proximité de cours d’eau) ? Y a-t-il un historique d’inondations dans votre secteur ? Quels sont les points hauts accessibles rapidement ?
  • Coupures longues (électricité, eau, gaz) : Quelle est votre dépendance énergétique ? Quels sont les systèmes critiques qui nécessitent de l’énergie (pompe à eau, congélateur, chauffage) ? Avez-vous des sources d’énergie alternatives ?
  • Autres risques : Tremblements de terre, tempêtes, pandémies, troubles sociaux, etc. Chaque risque identifié doit faire l’objet d’une réflexion approfondie sur ses conséquences potentielles et les actions à mener.

Rédaction claire et testée

Une fois les risques identifiés, la rédaction des procédures est une étape cruciale. Une bonne SOP doit être :

  • Courte et lisible : Évitez les phrases longues et complexes. Utilisez des verbes d’action et des instructions concises. L’objectif est de pouvoir la lire et la comprendre rapidement, même sous stress.
  • Accessible physiquement : Imprimez vos procédures et plastifiez-les. Rangez-les dans un endroit connu et facilement accessible par tous les membres du foyer. En cas de coupure d’électricité, un document numérique ne sera d’aucune utilité.
  • Visuelle : Utilisez des codes couleurs, des icônes, des schémas et des checklists. La mémorisation et la compréhension sont facilitées par le visuel. Une checklist simple et claire est bien plus efficace qu’un long paragraphe.

Exemple : SOP “Évacuation incendie”

Basée sur l’analyse des risques, voici un exemple de SOP pour une évacuation rapide en cas d’incendie :

  1. Recevoir l’alerte : FR-Alerte, sirènes, radio, voisins, etc. Ne pas ignorer les signaux.
  2. Préparer sac d’évacuation (BOB – Bug Out Bag) : Chaque membre doit avoir son sac prêt, selon une liste pré-établie (papiers importants, eau, nourriture, médicaments, vêtements de rechange, radio, lampe frontale).
  3. Fermer portes/fenêtres/volets : Cela ralentit la propagation du feu et protège l’intérieur de l’habitation.
  4. Couper gaz et électricité : Si possible et en toute sécurité, coupez les arrivées principales pour éviter tout risque supplémentaire.
  5. Charger animaux et sacs dans le véhicule : Assurez-vous que les animaux domestiques sont sécurisés et prêts à partir.
  6. Quitter la zone par itinéraire de secours planifié : Ayez plusieurs itinéraires de repli en tête, en fonction de la direction du danger.
  7. Confirmer arrivée au point de rassemblement : Informez vos proches ou les secours de votre position via le canal de communication prévu (radio, téléphone satellite, SMS si réseau disponible).

Exemple : SOP “Inondation rapide”

Pour une inondation soudaine, la procédure pourrait être la suivante :

  1. Monter à l’étage / zone haute : Si l’évacuation n’est pas possible ou trop dangereuse, cherchez refuge dans les points les plus élevés de votre habitation.
  2. Couper électricité au disjoncteur principal : Évitez tout risque d’électrocution.
  3. Fermer arrivée d’eau : Limitez les dégâts à l’intérieur de la maison.
  4. Mettre documents importants et matériel critique dans sacs étanches : Protégez ce qui a le plus de valeur (papiers d’identité, titres de propriété, argent, médicaments).
  5. Écouter instructions des secours : Restez informé via radio ou tout autre moyen disponible et suivez les directives des autorités.

inondation

Maintenir et S’entraîner : La clé de l’efficacité

Élaborer des SOP, POP ou PON n’est que la première étape. Pour qu’elles soient réellement efficaces, elles doivent être régulièrement maintenues et entraînées. C’est un processus continu, à l’image de l’apprentissage d’une compétence :

  • Répéter : Comme un exercice incendie à l’école, il est crucial de refaire la SOP en conditions réelles, ou du moins de la simuler mentalement. Chaque membre du foyer doit pouvoir la dérouler sans hésitation. La répétition crée des automatismes et réduit le temps de réaction en situation de stress.
  • Mettre à jour : Les situations évoluent, les risques aussi. Après chaque événement (même mineur), ou à intervalles réguliers (par exemple, une fois par an), révisez vos procédures. Intégrez les leçons apprises : si une panne de réseau a rendu votre téléphone inutile, ajoutez une radio de secours à votre sac d’évacuation. Si un nouvel itinéraire de secours est plus sûr, mettez à jour votre plan.
  • Former : Chaque membre du foyer, y compris les enfants (selon leur âge), doit connaître et comprendre les procédures. L’objectif est que chacun puisse exécuter sa part de la procédure, même en l’absence du chef de famille. La résilience d’un groupe dépend de la capacité de chacun de ses membres à agir de manière autonome et coordonnée.

Conclusion : La prévoyance comme discipline de vie

Anticiper, c’est transformer l’imprévu en prévu. Les SOP, POP et PON, appliquées au contexte survivaliste, sont des outils puissants pour concrétiser cette philosophie. Elles permettent de :

  • Réduire la panique : En fournissant un cadre clair, elles limitent l’incertitude et favorisent une réaction calme et mesurée.
  • Gagner du temps : L’automatisation des actions grâce à la répétition permet une exécution rapide et efficace.
  • Protéger vies et biens : Une meilleure préparation se traduit directement par une augmentation des chances de survie et de préservation du patrimoine.

Machiavel l’avait vu avec une lucidité déconcertante : c’est par beau temps qu’on écrit ses procédures, qu’on analyse les risques, qu’on s’entraîne. Ce n’est pas sous l’orage, quand la panique et l’urgence dictent nos actions. La prévoyance n’est pas une simple qualité, c’est une discipline de vie, une démarche proactive qui nous permet de reprendre le contrôle face à l’incertitude. En adoptant cette approche, nous ne faisons pas que nous préparer aux catastrophes ; nous cultivons une résilience qui nous rend plus forts, plus autonomes, et finalement, plus libres.

Cet article a 2 commentaires

  1. Kris

    Entièrement daccord

  2. Arnaud

    Oui. Analyse claire et précise de l’anticipation, clé de toute action à mener sous pression inopinée.

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